Le consultant : « A la suite de notre audit, j’ai le plaisir de vous annoncer que tout va bien dans votre société et que nous n’avons par conséquent aucun conseil à vous vendre ».
Situation de pur fantasme pour tout client qui a un jour eu à faire à un consultant. Avec un consultant, il y a toujours quelque chose à régler, une recommandation à donner, une méthode à mettre en oeuvre ou un modèle à appliquer. Tout simplement parce qu’un consultant qui ne dégotte pas un problème à régler n’a rien à vendre par la suite.
Vous allez me dire : il y a toujours un problème à régler quelque part. Je vous répondrais : certainement, mais tous ne nécessitent pas nécessairement un consultant pour y parvenir. Les entreprises vivaient très bien avant l’avènement des consultants.
Aujourd’hui, il doit y avoir plus de consultants que d’entreprises à consulter…
Or donc, quel est l’intérêt principal d’un consultant ?
Comme il n’appartient pas à l’entreprise, c’est son oeil externe qui intéresse, c’est à son regard a priori neuf et théoriquement impartial qu’il est fait appel.
Et quelle est la limite principale d’un consultant ?
On lui demande d’être impartial avec la main qui le nourrit. D’une certaine manière, c’est le même problème qui se pose avec les agences de notation, rémunérées par les entités mêmes qu’elles sont censées noter objectivement. Comment le conseil donné par le consultant peut-il être objectif alors même qu’il déterminera probablement le montant futur des honoraires facturés ?
Après plus de 2000 ans de retours d’expérience quant aux effets de l’argent sur l’intégrité et la probité humaines, il serait naïf de croire que le consultant échappe, seul et fier, à la règle.
Le consultant est donc un professionnel dont l’intérêt est de vous trouver un problème pour pouvoir vous vendre ensuite ses solutions.
Toute l’astuce consiste donc à convaincre le client qu’il y a un réel problème, et que le consultant détient la solution – ça tombe bien, il y a PowerPoint.
C’est sur cette même logique que fonctionne finalement la publicité, en montrant des gens trop beaux pour être vrai, des vies trop parfaites, trop riches et trop clinquantes, tout ceci afin que la nôtre paraisse si terne et si ennuyeuse en comparaison que l’on finit par être convaincu que c’est en consommant leurs produits qu’on se sentira mieux. La méthode publicitaire, pour résumer, est un simple matraquage de messages consistant à répéter que nous ne sommes pas uniques, pas à la pointe du progrès, pas connectés, pas élégants, pas en forme, si nous ne possédons pas telle voiture, telle tablette, tel téléphone, tel vêtement, tel silhouette, etc..
La méthode du consultant, qui lui ne peut pas matraquer son client 3h32 par jour, doit donc être à la fois plus fine et plus percutante, car il n’a en général qu’une seule chance de vendre ses « remèdes ». Il doit donc faire forte impression, faire mouche rapidement et efficacement.
Pour cela, quelle meilleure stratégie que celle de chercher à enfumer quelque peu ledit client, mais le plus sérieusement et le plus professionnellement du monde ?
Là où le magicien utilise de la fumée pour masquer ses trucs, là où le politicien recourt aux formules creuses pour ne pas répondre à la question posée, le consultant, lui, utilise PowerPoint pour masquer le vide souvent abyssal de ses « recos ».
Exactement comme les officiers de l’armée américaine, qui avouent utiliser PowerPoint avec les journalistes pour « noyer les poulets » et éviter les questions potentiellement embarrassantes. Le consultant doit réussir un véritable tour d’illusionniste, dont il n’a souvent lui-même plus conscience, tellement il s’est convaincu lui-même de la pertinence du contenu des slides qu’il ânonne à longueur de journée.
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Les plus taquins d’entre vous me diront : tu es gonflé d’écrire ça, tu as mis en lumière dans un livre un problème, et tu proposes ici des solutions, comme un consultant !
Je leur répondrais deux choses:
– J’aurais fait exactement la même remarque à leur place, elle était vraiment trop tentante.
– Je ne vends pas de conseils ; je propose une lecture différente de la manière moderne de travailler…libre à chacun, par la suite, d’en faire quelque chose, ou de n’en rien faire.