– « Oh, à vue de nez je n’en ai plus que pour 20 ou 30 minutes! »
2 heures plus tard, vous y êtes encore.
Nous autres humains sommes terriblement nuls en estimation. Durée, coût, complexité, horaires…la plupart du temps, même dans les situations les plus simples (« faire un brin de ménage de 15 minutes » qui durera tout le dimanche après-midi), notre faculté à estimer combien de temps telle tâche prendra est catastrophique.
Nous estimons toujours au mieux, rarement au pire
Nous anticipons toujours l’avenir selon le scénario le plus positif. Ca doit être un biais cognitif humain qui s’explique peut-être par l’inéluctabilité de la mort: bien que très répandue, mourir n’est pas une activité réjouissante. Du coup nous choisissons de l’occulter et de vivre comme si nous étions éternels. Ce faisant, on pose comme postulat que « ça ira mieux demain ». Après tout, c’est vrai: à quoi bon vivre si on sait à l’avance que c’est de pire en pire et qu’on meurt à la fin? Ce biais cognitif d’optimisme est peut-être finalement une sorte de pulsion de vie qui nous aveugle.

Nous anticipons ainsi toujours le « best case scenario »: à 12 ans, nous devions tous être riches, célèbres, astronautes, chanteuses ou bien pilotes de chasse. Ce trajet en voiture ne devait vous prendre que 15 minutes. Vous ne deviez rester dans « ce job affreux » que quelques mois, le temps de trouver mieux. Mais non, nous ne sommes pas astronautes, nous sommes bel et bien coincés dans les bouchons et nous nous retrouvons à fêter nos 5 ans de boite avec les collègues de la compta et le gâteau immonde ramené par Monique du service Achats.
A l’inverse, il arrive aussi parfois qu’on anticipe le pire « parce qu’on n’est jamais trop prudent », et qu’on se plante tout aussi royalement. Vous pensiez par exemple qu’aller couper du bois vous prendrait toute l’après-midi alors qu’il ne vous aura fallu que 35 minutes pour tout terminer.
Nous autres humains sont très mauvais en estimation. Même avec les tâches les plus simples, nous nous trompons souvent d’un facteur 2 ou 3. Si on ne peut être précis avec des choses aussi simples, comment diable pouvons prétendre anticiper la durée d’un « projet de 6 mois » ?
Ceux d’entre vous qui ont déjà géré la création d’un site web savent par exemple très bien que les délais fixés initialement avec le prestataire sont en fait de pures blagues. Ceux qui ont fait construire leur maison aussi.
Non seulement on est mauvais avec nos estimations, mais il faut savoir qu’on est vraiment mauvais. Si vous prévoyez 6 mois pour un projet X ou Y, vous ne vous tromperez généralement pas à 1 mois près ; le projet prendra en fait 1 an au minimum. L’aéroport international de Denvers s’est ainsi ouvert avec 16 mois de retard et un surcoût de 2 milliards de dollars. L’opéra de Sydney a été achevé avec 10 ans de retard (pas 1 an, pas 2 ans, mais 10 ANS DE RETARD!) pour un coût total 14 fois supérieur au devis initial.
Avec votre business plan, c’est pareil. Ce fameux 1er client mettra nettement plus de temps à arriver que prévu. Vous aurez omis telle et telle dépense et surestimé telle marge commerciale. C’est toujours comme ça que les choses se passent. Entrepreneurs, ne perdez donc pas trop de temps à remplir votre tableau Excel prévisionnel.
La solution: fractionner la réalité
Au lieu de chercher à quantifier le futur, fractionnez-le. Puis, tâchez de quantifier ces fractions, c’est nettement moins complexe. Vous vous planterez toujours, mais un peu moins. Tout simplement parce que nous savons mieux estimer les tâches simples. Plus la tâche est simple, meilleure sera notre précision. En outre, si vous vous trompez d’un facteur deux, ce sera sur des valeurs plus faibles: ce qui devait vous prendre une heure au sein d’un gros projet vous en prendra en fait deux. Cela reste rattrapable. En revanche, si vous aviez compté 2 mois de travail sur le projet et qu’il vous en faudra en fait 4, c’est plus compliqué.
Réduisez la complexité d’un projet avant d’estimer la durée qu’il vous prendra. Vous avez un livre à écrire ? Pensez en chapitres, puis en pages par jours. De là, multipliez par 2. Vous aurez toujours sous-estimé le temps qu’il vous faudra au total, mais moins que si vous n’aviez pas découpé le projet « livre » en sous-projets « 1 chapitre – 1 semaine » puis « 1 journée-10 pages ». En écrivant mon premier livre, j’avais fixé une production quotidienne de 10 pages. Si j’ai réussi à tenir les délais fixés à l’heure près (13 jours exactement de la première à la dernière ligne), je n’avais absolument pas anticipé les allers-retours avec l’éditeur ensuite…qui ont pris des semaines. Avec mon entreprise, idem: je pensais décrocher mon premier contrat en 1 mois, pas en 1 an.
Enfin, en fractionnant un projet, l’ampleur de la tâche globale à accomplir vous semblera moins impressionnante, et vous pourrez savourer de multiples petites victoires. Ce qui conservera votre enthousiasme intact pour le lendemain.
Accessoirement votre projet pourra aussi en bénéficier: en le fractionnant, vous mettez en lumière ses détails importants.